Grandis’Sons !

 

HISTOIRE DU PROJET

 

Catherine Herbelin est pédiatre et accompagne des jeunes enfants porteurs de troubles neurologiques et développementaux, dans différents lieux, publics ou associatifs.

Le suivi médical s'inscrit dans des projets d'équipes, qui sont centrés, pour chaque enfant, sur la remédiation, la rééducation et l'empathie auprès des familles. La pluridisciplinarité permet de comprendre et de valoriser l’enfant dans sa construction sur un plan holistique, et ainsi permettre aux soignants d’aller chercher l’enfant et l’accompagner dans son cheminement.

Son expertise s’est développée auprès de jeunes enfants, dans le cadre de l’Action Précoce, en amont de troubles caractérisés, ainsi que dans le champ des troubles cognitifs et du polyhandicap.

Monique Mioni est devenue psychanalyste après une formation de pédopsychiatre.

Elle a été responsable d'un internat pour enfants et adolescents présentant de graves troubles du développement et d'un hôpital de jour pour enfants de 3 à 6 ans.

De ces expériences est né son intérêt pour toutes les techniques permettant d'intervenir très tôt afin de favoriser le développement psychomoteur et la prévention précoce des troubles autistiques.

Sa démarche a permis un accompagnement des parents et des soignants confrontés à des mécanismes complexes de communication. Une longue pratique auprès d'adultes l'a sensibilisée à l'écoute des processus inconscients et des bienfaits de leur mise à jour, permettant l'épanouissement personnel.

Leurs expériences personnelles dans le champ du développement du jeune enfant et dans le champ de la psychothérapie ont permis une rencontre autour d'un projet de groupe à médiation musicale ; ce projet s’inscrit dans la recherche d'une pratique interinstitutionnelle et transitionnelle.

Elles ont créé l’Association « Grandis’Sons ! » afin de promouvoir un espace de recherche qui soit propice à l’épanouissement des enfants et à leur créativité.

Une formation en piano et chant leur a permis de découvrir les spécificités de la pratique et de l’écoute musicales pour accéder aux émotions et au monde intérieur.

 

 

ATELIER MUSIQUE, VOIX, ET GESTE

 

ASSOCIATION GRANDIS’SONS

Catherine Herbelin, pédiatre

Monique Mioni, pédopsychiatre et psychanalyste

 

Présentation

 

Notre idée est de créer un espace d'exploration, qui permette à des personnes, enfants ou adultes, qui en manquent pour des raisons très diverses, de découvrir de nouvelles sources de stimulation et de plaisir au travers de la musique et du jeu, utilisés comme pôles structurants du développement.

Nous nous appuyons sur de nombreux travaux qui ont mis en lumière les effets bénéfiques de la musique :

- la pratique et l’écoute musicales activent de nombreuses zones du cerveau, et mobilisent simultanément les zones dédiées à la perception, la motricité, la cognition, la sensorialité, l’émotion, la mémoire et les sécrétions hormonales ; elles contribuent à mobiliser la plasticité cérébrale. A travers l’action positive exercée sur la plasticité cérébrale, l’écoute et la pratique musicales peuvent améliorer les compétences cognitives et la créativité.

 

- la pratique et l’écoute musicales exercent un effet thérapeutique chez des sujets souffrant de difficultés d'ordre très divers, psychologiques, somatiques, mais aussi cognitives. Ces effets thérapeutiques sont aussi étudiés chez les jeunes enfants et peuvent être observés au sein de la dynamique de leur développement psychomoteur. Ainsi des études récentes ont montré que l’écoute et la pratique musicales procurent des effets bénéfiques aux niveaux cognitif et affectif, sur le développement global des enfants.

- l’écoute et la pratique musicales augmentent la résistance au stress et aux traumas, comme l’ont expérimenté des équipes à l’écoute de personnes en situation de vulnérabilité socio-environnementale, en Amérique latine.

 

- les neuropsychologues décrivent dans des travaux expérimentaux une réduction par l’écoute et la pratique musicales de l’activation des aires cérébrales qui sont impliquées dans les émotions négatives.

 

 

Les professionnels décrivent et développent différentes approches de médiation permettant d’étayer, de renforcer, de restaurer ou de compenser le développement sensori-moteur; parmi elles, la musique est un outil privilégié maintenant reconnu dans différents lieux de soins dédiés à tous les âges de la vie (dans le champ du handicap, en néonatalogie, en gériatrie, en pédopsychiatrie, et dans d’autres structures sanitaires (hématologie, neurologie…).

L'accès à la sensorialité sera favorisé par l'expérimentation de la musique qui fonctionne comme puissant médiateur, organisateur et intégrateur; elle permet l'accès à un sens au-delà du sens et de la signification des contenus langagiers. Elle touche ainsi à l'inconnu, qui est paradoxalement partagé et donc universel. Elle permet de privilégier l'ouïe, sens délaissé au détriment de la vue, sur-stimulée dans l'apprentissage actuel. Elle incite à différencier son, musique, bruit, mots et in fine donner toute leur place au sens, au silence, et donc à l'intériorité.

Tandis que l'écoute invite à l'accès aux émotions, l'expérience psychomotrice est également favorisée en incitant à repérer les ressentis puis acquérir une souplesse de passage d'un état émotionnel à l'autre. La musique favorise la capacité de mise en mouvement, la qualité d’attention, d'éveil, de détente dans la pensée et dans le corps, permettant une régulation des émotions.

La musique permet la mise en mot par l’intervenant des ressentis, des besoins et des désirs, et malgré un langage peu développé, un accès à l'abstraction et au symbolique; ainsi une représentation des contenus psychiques et des conflits internes sera rendue possible.

Elle développe l’intérêt pour le monde extérieur, en même temps que vers le monde interne au travers des notions de plaisir, plaisir personnel mais aussi partagé. A la fois contenant et contenu, elle favorise ainsi l'intégration des limites corporelles et sociales, grâce à la notion de cadre, de groupe, d'espace partagé, d'espace transitionnel. « La musique amène les groupes humains à un unisson émotionnel ».

L’écoute musicale et l’expression du ressenti peuvent ainsi permettre aux sujets d’accéder à leur identité profonde.

Le plaisir et l'épanouissement liés à l'écoute musicale peuvent contribuer à un investissement positif des enfants dont les difficultés somatiques fragilisent l'image, ce qui pénalise aussi grandement leur intégration sociale.

La traduction des sensations, accessibles grâce à l’écoute musicale, est permise au travers de jeux qui mettent en scène le mouvement (gestes, mimiques et danse), la verbalisation (vocalises, paroles ou chant), le dessin. Cette extériorisation sous forme de jeux autorise des allers-retours et des voies de passage de la passivité vers l’activité.

 

 

 

Indications

 

L’écoute musicale proposée au sein de ce projet peut être partagée avec des enfants en bonne santé, des enfants issus de naissance à risque ainsi que des enfants fragilisés sur un plan neurocognitif et/ou psychique.

 

- Les enfants ayant des difficultés d'apprentissage scolaire quelles qu'en soient les causes sont concernés : l'écoute musicale permet d'accéder à d'autres types de connaissances que les apprentissages académiques. Des travaux encourageants ont montré que l’écoute et la pratique musicale semblent pouvoir améliorer certains déterminants des fonctions langagières, chez des jeunes dyslexiques. La musique peut aussi contribuer à étayer l’estime de soi chez ces enfants en souffrance, et peut faciliter leur intégration dans un groupe.

 

- Les enfants entravés dans leur représentation somatique et psychique ont des troubles développementaux d’expression variable, associant à des degrés divers des difficultés aux niveaux moteur, sensoriel, cognitif et psychique. La musique peut apporter un étayage de leur développement sur un plan holistique.

 

- L’enfant polyhandicapé, porteur de lésions cérébrales sévères, a souvent peu d’accès aux aspects multimodaux des stimulations environnementales et au langage parlé. Il utilise aussi son corps pour s'exprimer (gestes, mimiques, endormissement...), mais selon la nature de ses troubles, ses modalités expressives peuvent être réduites. L’écoute musicale permet l’accès à un espace commun où la communication se trouve améliorée dans un champ émotionnel partagé ; l’observation de quelques mimiques faciales, même de faible amplitude, permet de comprendre combien ces enfants peuvent devenir acteurs; ce partage d’émotion médiatisée par l’écoute musicale peut contribuer à les valoriser au travers de leurs compétences d’expression.

 

Ainsi, les enfants entravés dans leur développement n’ont souvent pas accès à une expérience créative d’écoute musicale. Cette approche musicale partagée telle qu’elle est proposée dans ce projet permettra de vivre une expérience esthétique, chez des enfants ayant peu d’accès aux projets éducatifs et artistiques de l'environnement scolaire et périscolaire.

 

 

 

Hypothèses de travail

 

L'accompagnement d’enfants dans leur évolution somatique et psychique nous amène à formuler plusieurs hypothèses qui s’articulent dans une dynamique de progression développementale favorisée par la musique :

- L'accès à des stimulations sensorielles « organisées » et structurées par la mélodie, le rythme, et les caractéristiques instrumentales permettront d’étayer les perceptions auditives et sensori-motrices.

- L’écoute musicale s’associera au portage et aux différentes stimulations mises en rythme (associations vibratoires, découverte spatiale). Les liens perceptifs ainsi créés permettront d’accéder à un espace construit au sein du groupe.

- La médiation des interactions avec les enfants permettra de créer un espace d’émotion partagée. Cette médiation peut aussi être proposée aux parents. En retour les parents nous amèneront toute leur sensibilité et leur connaissance du développement et du bien-être affectif de leur enfant.

 

 

 

Modalités de travail

 

On pourrait tenter de formaliser différents points d’ancrage basés sur la dualité, et l’accueil des contrastes que permet « d’agréger » la musique :

- expression libre des choix musicaux : découverte de la mélodie, de la polyphonie, écoute et découverte d’instruments (importance de certains styles musicaux comme les musiques du monde ou le rock, si prisé des adolescents).

- jeux avec les formes sonores : découverte du son et du silence, voyelles/consonnes, parole/chant, souffle, vibrations, percussions.

- jeux avec la vibration du son et la résonance : percussions et éventail des vibrations observées (ex des ondulations sonores d’une vocalise produite par un artiste lyrique, par opposition au cri).

- jeux d’expression des affects : modes musicaux « majeur/ mineur », joie/tristesse, calme/colère, excitation et possibilité de régression.

- jeux de repérage temporel et spatial : découverte du rythme, symétrie/asymétrie, modulations de la durée, rapidité/lenteur, place du corps dans l’espace, postures au sol et déplacements.

- jeux sur les contenants et les limites corporelles : musique et modalités vibratoires, intériorité et interaction, exploration instrumentale (texture, surface...), accès au monde de l’imaginaire et extériorité, accès au « couple » tension/détente, « aller-vers » et mouvement actif, exploration de son propre corps (cavité buccale, abdomen, diaphragme, extrémités,…).

- jeux de rôle et d’action : chant, danse, jeu instrumental (percussions), place de l’individu dans un groupe et découverte du « corps social ».

 

 

 

Proposition de déroulement des séquences structurant la séance de groupe de musique pour enfants

Les éléments développés ci-dessous seront adaptés en fonction de l'âge et des difficultés spécifiques des participants.

 

1/Introduction et rituel : partage d’une chanson associant les prénoms de chacun, adultes et enfants, pour symboliser et marquer l'identité de chacun. Cela peut constituer le rituel de début et constituer ainsi un point de repère identitaire du groupe. Petit à petit l'enfant peut s'approprier sa chanson, produire des rythmes, danser, seul devant les autres, et s’identifier lui-même face aux autres.

 

2/Puis des musiques rythmées sans paroles : les enfants peuvent choisir des instruments à percussion, des maracas, pour exprimer avec leur corps leur ressenti. Cela permettra de faire la différence entre les chansons faisant intervenir les mots, et la musique s'exprimant uniquement avec des instruments ou le corps.

 

3/Un morceau classique : avec des instruments à cordes en particulier, pour faire sentir la notion de vibration, de sensations sur la peau, et à l'intérieur du corps. Chaque famille d'instrument en outre pourra avoir un impact spécifique.

 

4/Des choix adaptés aux émotions exprimées par les enfants : en fonction de l'atmosphère dégagée par le groupe, pouvant aller de la joie à l'excitation, ou de la fatigue à la tristesse, nous pourrons choisir soit des morceaux qui accompagneront ces mouvements, pour ne pas les nier, permettre de les vivre pleinement et les supporter, les dompter, soit des morceaux au contraires en contraste, doux si les enfants sont excités ou vifs si les enfants sont abattus.

 

On peut aussi proposer un conte sensoriel, guidé par une thématique, et qui développera l’écoute musicale au sein d’un espace narratif imaginaire.

Au début ce sont les adultes qui mettront les mots ; petit-à-petit les enfants pourront peut-être décrire par eux-mêmes - ou montrer - ce qu'ils ressentent.

Comme nous serons deux adultes à gérer le groupe, cela permettra d'introduire des différenciations entre un groupe qui peut écouter et regarder, pendant que l'autre groupe s'exprime.

 

5/ Deux temps possibles d’expression : un temps de danse où tout le corps est en mouvement, et/ou un temps d'expression au travers de dessins spontanés.

 

6/Temps calme de fin de séance : relaxation allongée ou dans une position confortable sur des tapis de mousse et des coussins, pour marquer la séparation.

 

Grandis’Sons !

 

Chaque séquence durant entre 5 et 10 minutes, nous arrivons ainsi à une durée totale de 50 à 55 min.

Les première et dernière séquences seront des repères constamment intégrés dans les séances. Les autres séquences seront choisies selon la dynamique propre à chaque séance et selon les capacités des enfants; si une séquence nous parait particulièrement convenir aux enfants, nous pourrons la prolonger au détriment d’une autre.

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE GENERALE:

 

1- Anzieu Didier, L’enveloppe sonore du soi, Nouvelle Revue de Psychanalyse, N° 13, 1976.

2- Boudinet Gilles, La naissance corporelle de la musique et la naissance musicale du corps (conférence) in Les Eros de la musique, H Diffusion

3- Bouteloup Philippe, Musique et Santé Site de ressources et formations thématiques

4- Bouteloup Philippe, Des musiciens en néonatalogie et L’environnement sonore in Revue Soins Pratique et savoir infirmiers Août - Septembre 1994 N°159 – 160

5- Bullinger André, La genèse de l’axe corporel, quelques repères, p 27 à 35 in Enfance, N°1, 1998

6- Castarède Marie-France, L’enveloppe vocale, Psychologie clinique et projective P 17 à 35 N° 7, Érès 2001 -

7- Chaumié Agnès, Je chante avec mon Bébé, Ed Enfance et Musique

8- Lechevalier Bernard, Platel Hervé, Eustache Francis, Le cerveau musicien, Neuropsychologie et psychologie cognitive de la perception musicale, Collection Questions de personnes, Ed De Boeck, 2010

9- Lecourt Edith, Si la musique soigne, que soigne-t-elle ? In La musique ne pense pas seule, Séminaire Entretemps 2001-2002 (sur Internet)

10- Meltzer Donald et Harris William Meg, L’appréhension de la beauté. Le conflit esthétique, son rôle dans le développement psychique, la violence, l’art. Ed du Hublot, 2000

11- Montreuil Michèle, Espace psychique, aire de créativité: Rôle des relations précoces mère-enfant dans la constitution du soi, Spirale Revue de Recherches en Education, 1996, N°17 (41-50)

12- Moussard Aline, Rochette Françoise, Bigand Emmanuel, La musique comme outil de stimulation cognitive, p 499 – 542 L’Année psychologique 2012, Vol 112

13- Ecouter la musique, revue Topique, N° 129, 2014

14- Winnicott D W, Jeu et Réalité, L'espace potentiel, Paris, Gallimard 1975